Dans cette haletante crise postélectorale en Gambie, le rideau des rebondissements (oscillations sans fin de Yaya Jammeh) et le paravent des péripéties (escapade diplomatique à Bamako puis hospitalité stratégique pour Adama Barrow à Dakar) masquent d’intenses et secrètes manœuvres. Les sources de Dakaractu révèlent que la France est plus en pointe pour une action musclée en Gambie que la très divisée et trop hésitante Communauté Economique Des Etats d’Afrique de l’Ouest : CEDEAO. Plus catégoriques encore, elles (nos sources) nous apprennent que la DGSE qui danse plus vite que la musique…martiale des Etats-majors sénégalais et communautaires, aurait déjà travaillé sur des plans opérationnels. Au profit de quelle armée, au singulier, ou de quelles armées, au pluriel ? Le futur immédiat le dira.
Pourquoi cette souterraine frénésie française en direction de la Gambie ? Mystère épais. En revanche, certains faits et gestes se multiplient de façon visible, lisible et significative. Tout se passe comme si l’on mettait la pression forte et amicale sur le Sénégal et – de manière parallèle – sensibilisait les leviers les plus enclins à plaider pour une intervention militaire, auprès des opinions publiques. D’abord, c’est une Envoyée spéciale de la France, Mme Christine Robichon, qui rencontre le Président élu Adama Barrow à Banjul. Ensuite, la même et très officielle émissaire de Paris rend visite à Alioune Tine, directeur d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, et, surtout, véhément avocat du départ sans concessions ni compromis de Yaya Jammeh. Enfin, « la passion » française pour la Gambie culmine, à Bamako, avec la poignée de main Hollande-Barrow, à l’occasion du 27e sommet France-Afrique. Dans la foulée, la Présidente du Libéria qui préside aux destinées de la CEDEAO, file la patate chaude (Adama Barrow) à son collègue du Sénégal, Macky Sall, prédestiné à jouer un rôle-clé dans la suite des évènements. A-t-on murmuré quelque chose, comme un conseil pressant, dans le creux de l’oreille de Mme Ellen Johnson Sirleaf ? Grosse énigme.
En tout cas, le décor d’une entrée en scène des militaires est nettement planté à travers cette hospitalité stratégiquement calculée et officiellement accordée au Président démocratiquement élu, Adama Barrow. Du coup, les dés – j’allais dire les obus – sont jetés. Et la marge de demi-tour du Sénégal sera agrandie ou supprimée par l’attitude souple ou rigide que dévoilera Yaya Jammeh, le 19 janvier prochain. L’Histoire va-t-elle se répéter au niveau sénégambien et à l’échelle ouest-africaine ? Certainement pas. Car, en dépit des apparences, au demeurant, trompeuses, les similitudes sont fausses. En juillet 1981, la Gambie était le théâtre d’un coup d’Etat militaro-civil, ponctué par un chaos indescriptible. En ce début d’année 2017, elle vit un coup d’Etat postélectoral, sans troubles épouvantables.
A la différence de la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo, aucune troupe étrangère ne stationne en territoire gambien, sur la base d’un accord bilatéral de défense, à l’instar du 43e BIMA cantonné, depuis 1961, à Port-Bouët, près de l’aéroport d’Abidjan. Un 43e BIMA qui sera ultérieurement l’ossature de l’opération Licorne, d’abord salutaire puis fatale au Président Gbagbo. Rien de tel dans la Gambie d’aujourd’hui – Etat souverain – qui n’a sur son sol, ni une Minusma, ni une Monusco, encore moins une Minusca. Il n’existe pas en Gambie, l’ombre d’une force d’interposition ou de stabilisation. Il s’y ajoute que les déclarations, les injonctions et même les blâmes du Conseil de sécurité de l’ONU n’ont pas valeur de mandats. Toutefois, les Etats membres de la CEDEAO peuvent invoquer la charte communautaire qui fait figure de mandat permanent ou de feu vert dans des situations identiques ou analogues. De son côté, le Sénégal peut trouver dans l’impérieuse nécessité de défendre ses intérêts vitaux, des éléments éminemment géopolitiques et joliment mâtinés de références démocratiques, pour justifier une action militaire.
C’est précisément, autour de l’épreuve de force manifestement envisagée voire imminente, que la CEDEAO – en dépit des rencontres et des réglages – camoufle ses clivages. Le Président Buhari du Nigeria freine en douceur. Abuja préfère le ballet diplomatique au bruit des armes. Même s’il risque d’être, à son corps défendant, entrainé sur la pente, de plus en plus abrupte, d’une invasion miliaire. Le Président Alpha Condé a déjà donné clairement son avis. Sans nuances. En Guinée-Bissau, le nationalisme ombrageux, lourdement hérité de la dure guerre de libération nationale, est profondément allergique à toute forme d’ingérence extérieure. Bissau est d’autant plus réticente que ses convulsions erratiques pourraient en faire, demain, le second cobaye du laboratoire d’expérimentation ou d’ancrage démocratique de la CEDEAO, après Banjul. Seuls, le Togo et le Bénin demeurent ouvertement en phase avec le Sénégal dans l’action militaire, en tant que décision – évidemment – ultime.
Le fossé béant mais bâché entre Etats de la CEDEAO est, aussi, une bonne brèche qui draine des initiatives peu décryptables et, par conséquent, peu saisissables. Ce qui ne n’étouffe nullement les fuites. On sait, par exemple, que le Président Yaya Jammeh, s’est rendu à Conakry, dans la nuit du 3 au 4 janvier, pour une visite-éclair de deux heures. Les chancelleries occidentales dans la capitale guinéenne en sont informées. Quel fut le but de ce déplacement, de bout en bout, nocturne ? Bonjour les supputations ! Etait-ce pour recevoir le message express et expressif d’une puissance européenne (la France) via Alpha Condé ou bien pour co-définir avec son hôte guinéen, la posture de résistance à adopter ? Opacité totale.
Sur ce registre des va-et-vient, la mission la plus obscure est celle de l’émissaire du Président Mohamed Ould Abdelaziz de la Mauritanie. Ancien Premier ministre et actuel Secrétaire général de la Présidence de la république, Moulaye Ould Mohamed Lagdaf est l’homme de confiance de l’homme fort de la Mauritanie. Un pays qui a quitté la CEDEAO mais n’a cessé d’amplifier ses micmacs dans l’espace sénégambien. Un Etat qui a également gardé ses amitiés solides avec la France via l’opération Barkhane dont l’une des articulations se trouve dans la ville-garnison d’Atar. En un mot, le Président Aziz peut faire le pire comme le meilleur dans cette crise, quand on sait que son ami Jammeh dispose, autour de Nouakchott, d’un patrimoine foncier qui peut l’accueillir dans un exil doré et…sécurisé. Nouakchott étant la capitale d’un pays non-signataire du statut de Rome qui consacre l’adhésion à la CPI.
PS : Si la CEDEAO ne veut pas marcher sur la tête, elle doit vite placer le Togo dans l’arrière-boutique des tractations. En écartant son armée et, surtout, en réduisant au silence, son Président, Faure Eyadema, sur la crise postélectorale en Gambie. En marge du sommet France-Afrique, Faure a osé parler de la Gambie. Pour rappel, Faure Eyadema a succédé brutalement et militairement à son père, à l’instigation et avec l’appui des officiers généraux originaires du Nord et membres de l’ethnie Kabyé. En 2005, après la mort du Président Gnassingbé Eyadema, l’armée tribale et non nationale du Togo avait fermé les frontières, puis empêché l’atterrissage de l’avion du Président de l’Assemblée nationale, André Natchaba, le dauphin constitutionnel. Lorsque, le Président de la Commission de l’UA, Alpha Oumar Konaré, dénonça vigoureusement l’imposture, Faure régularisa la succession dynastique par un scrutin ponctué par l’image télévisée d’un gendarme fuyant avec les urnes bourrées. Dès le lendemain, il reçut pourtant le message de félicitations du Président français Jacques Chirac, grand ami de son défunt père. Bref, le Togo et son armée ne peuvent pas être aux avant-postes d’une action de défense et d’illustration de la démocratie. C’est hilarant. Le drame de Yaya Jammeh est qu’il est hors-Françafrique, hors-Commonwealth. Donc sans réseaux. Sans filet de sauvetage.
Pourquoi cette souterraine frénésie française en direction de la Gambie ? Mystère épais. En revanche, certains faits et gestes se multiplient de façon visible, lisible et significative. Tout se passe comme si l’on mettait la pression forte et amicale sur le Sénégal et – de manière parallèle – sensibilisait les leviers les plus enclins à plaider pour une intervention militaire, auprès des opinions publiques. D’abord, c’est une Envoyée spéciale de la France, Mme Christine Robichon, qui rencontre le Président élu Adama Barrow à Banjul. Ensuite, la même et très officielle émissaire de Paris rend visite à Alioune Tine, directeur d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, et, surtout, véhément avocat du départ sans concessions ni compromis de Yaya Jammeh. Enfin, « la passion » française pour la Gambie culmine, à Bamako, avec la poignée de main Hollande-Barrow, à l’occasion du 27e sommet France-Afrique. Dans la foulée, la Présidente du Libéria qui préside aux destinées de la CEDEAO, file la patate chaude (Adama Barrow) à son collègue du Sénégal, Macky Sall, prédestiné à jouer un rôle-clé dans la suite des évènements. A-t-on murmuré quelque chose, comme un conseil pressant, dans le creux de l’oreille de Mme Ellen Johnson Sirleaf ? Grosse énigme.
En tout cas, le décor d’une entrée en scène des militaires est nettement planté à travers cette hospitalité stratégiquement calculée et officiellement accordée au Président démocratiquement élu, Adama Barrow. Du coup, les dés – j’allais dire les obus – sont jetés. Et la marge de demi-tour du Sénégal sera agrandie ou supprimée par l’attitude souple ou rigide que dévoilera Yaya Jammeh, le 19 janvier prochain. L’Histoire va-t-elle se répéter au niveau sénégambien et à l’échelle ouest-africaine ? Certainement pas. Car, en dépit des apparences, au demeurant, trompeuses, les similitudes sont fausses. En juillet 1981, la Gambie était le théâtre d’un coup d’Etat militaro-civil, ponctué par un chaos indescriptible. En ce début d’année 2017, elle vit un coup d’Etat postélectoral, sans troubles épouvantables.
A la différence de la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo, aucune troupe étrangère ne stationne en territoire gambien, sur la base d’un accord bilatéral de défense, à l’instar du 43e BIMA cantonné, depuis 1961, à Port-Bouët, près de l’aéroport d’Abidjan. Un 43e BIMA qui sera ultérieurement l’ossature de l’opération Licorne, d’abord salutaire puis fatale au Président Gbagbo. Rien de tel dans la Gambie d’aujourd’hui – Etat souverain – qui n’a sur son sol, ni une Minusma, ni une Monusco, encore moins une Minusca. Il n’existe pas en Gambie, l’ombre d’une force d’interposition ou de stabilisation. Il s’y ajoute que les déclarations, les injonctions et même les blâmes du Conseil de sécurité de l’ONU n’ont pas valeur de mandats. Toutefois, les Etats membres de la CEDEAO peuvent invoquer la charte communautaire qui fait figure de mandat permanent ou de feu vert dans des situations identiques ou analogues. De son côté, le Sénégal peut trouver dans l’impérieuse nécessité de défendre ses intérêts vitaux, des éléments éminemment géopolitiques et joliment mâtinés de références démocratiques, pour justifier une action militaire.
C’est précisément, autour de l’épreuve de force manifestement envisagée voire imminente, que la CEDEAO – en dépit des rencontres et des réglages – camoufle ses clivages. Le Président Buhari du Nigeria freine en douceur. Abuja préfère le ballet diplomatique au bruit des armes. Même s’il risque d’être, à son corps défendant, entrainé sur la pente, de plus en plus abrupte, d’une invasion miliaire. Le Président Alpha Condé a déjà donné clairement son avis. Sans nuances. En Guinée-Bissau, le nationalisme ombrageux, lourdement hérité de la dure guerre de libération nationale, est profondément allergique à toute forme d’ingérence extérieure. Bissau est d’autant plus réticente que ses convulsions erratiques pourraient en faire, demain, le second cobaye du laboratoire d’expérimentation ou d’ancrage démocratique de la CEDEAO, après Banjul. Seuls, le Togo et le Bénin demeurent ouvertement en phase avec le Sénégal dans l’action militaire, en tant que décision – évidemment – ultime.
Le fossé béant mais bâché entre Etats de la CEDEAO est, aussi, une bonne brèche qui draine des initiatives peu décryptables et, par conséquent, peu saisissables. Ce qui ne n’étouffe nullement les fuites. On sait, par exemple, que le Président Yaya Jammeh, s’est rendu à Conakry, dans la nuit du 3 au 4 janvier, pour une visite-éclair de deux heures. Les chancelleries occidentales dans la capitale guinéenne en sont informées. Quel fut le but de ce déplacement, de bout en bout, nocturne ? Bonjour les supputations ! Etait-ce pour recevoir le message express et expressif d’une puissance européenne (la France) via Alpha Condé ou bien pour co-définir avec son hôte guinéen, la posture de résistance à adopter ? Opacité totale.
Sur ce registre des va-et-vient, la mission la plus obscure est celle de l’émissaire du Président Mohamed Ould Abdelaziz de la Mauritanie. Ancien Premier ministre et actuel Secrétaire général de la Présidence de la république, Moulaye Ould Mohamed Lagdaf est l’homme de confiance de l’homme fort de la Mauritanie. Un pays qui a quitté la CEDEAO mais n’a cessé d’amplifier ses micmacs dans l’espace sénégambien. Un Etat qui a également gardé ses amitiés solides avec la France via l’opération Barkhane dont l’une des articulations se trouve dans la ville-garnison d’Atar. En un mot, le Président Aziz peut faire le pire comme le meilleur dans cette crise, quand on sait que son ami Jammeh dispose, autour de Nouakchott, d’un patrimoine foncier qui peut l’accueillir dans un exil doré et…sécurisé. Nouakchott étant la capitale d’un pays non-signataire du statut de Rome qui consacre l’adhésion à la CPI.
PS : Si la CEDEAO ne veut pas marcher sur la tête, elle doit vite placer le Togo dans l’arrière-boutique des tractations. En écartant son armée et, surtout, en réduisant au silence, son Président, Faure Eyadema, sur la crise postélectorale en Gambie. En marge du sommet France-Afrique, Faure a osé parler de la Gambie. Pour rappel, Faure Eyadema a succédé brutalement et militairement à son père, à l’instigation et avec l’appui des officiers généraux originaires du Nord et membres de l’ethnie Kabyé. En 2005, après la mort du Président Gnassingbé Eyadema, l’armée tribale et non nationale du Togo avait fermé les frontières, puis empêché l’atterrissage de l’avion du Président de l’Assemblée nationale, André Natchaba, le dauphin constitutionnel. Lorsque, le Président de la Commission de l’UA, Alpha Oumar Konaré, dénonça vigoureusement l’imposture, Faure régularisa la succession dynastique par un scrutin ponctué par l’image télévisée d’un gendarme fuyant avec les urnes bourrées. Dès le lendemain, il reçut pourtant le message de félicitations du Président français Jacques Chirac, grand ami de son défunt père. Bref, le Togo et son armée ne peuvent pas être aux avant-postes d’une action de défense et d’illustration de la démocratie. C’est hilarant. Le drame de Yaya Jammeh est qu’il est hors-Françafrique, hors-Commonwealth. Donc sans réseaux. Sans filet de sauvetage.